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9 janvier 2015 5 09 /01 /janvier /2015 13:55
Pourquoi je suis Charlie ?

L’émotion est si forte, après l’attaque de Charlie Hebdo, qu’il m’a fallu un peu de temps pour réagir à ce carnage, pour prendre la plume après avoir laissé couler les larmes.
En tant que personne, je m’associe à la douleur des proches des victimes, quelles qu’elles soient, et je souhaite leur apporter mon soutien face à la perte brutale de leur parent, conjoint, collègue ou ami.
En tant qu’éditrice, je m’indigne forcément, tant m’est précieuse la liberté d’expression, mais aussi de publication qui lui est consécutive. Cet acte terroriste vise à provoquer l’autocensure par la terreur, ce que je ne peux accepter.

Pourquoi je suis Charlie ?
Devant l’incompréhension de certains quant à la reprise quasi-unanime de ce slogan, et étant donné que la première chose que j’ai faite, c’est de l’adopter, je vais expliquer ici ce qu’il représente pour moi et ce que je souhaite dire à travers lui (pour en connaître l’origine, voir cet article).
Je comprends les craintes de « récupération », de « suivisme », ou que sais-je, mais le mouvement m’a paru si spontané et empreint de valeurs partagées que, personnellement, je m’y suis retrouvée d’emblée, même si un slogan si bref ne peut qu’être objet d’interprétation.

Cette affirmation, « Je suis Charlie », ça veut dire que c’est un peu moi qu’on a blessée en attaquant Charlie Hebdo, je me sens blessée dans mes valeurs, dans mes principes, dans ma défense du droit à l’expression des peuples. D’autre part, je publie moi aussi des choses qui peuvent ne pas plaire à tout le monde, et j’assume, comme Charlie, je revendique, même, de pouvoir le faire sans être inquiétée par une censure quelconque ou pire, par des armes à feu.

Je ne défends pas un propos particulier tenu par Charlie Hebdo (je partage souvent leurs opinions, mais pas toujours), j’affirme en revanche leur droit de les tenir, quels qu’ils soient, du moment qu’ils respectent certains principes d’ailleurs inscrits dans la loi : pas d’incitation à la haine, à la violence, à la discrimination.
Leur travail réside principalement dans la satire, avec l’outrance que celle-ci peut comporter, et j’estime que la satire est un élément nécessaire au brassage d’idées démocratique, parce qu’elle nous bouscule, nous dérange, et qu’on a parfois besoin d’être bousculé dans ses idées pour réfléchir et évoluer.

Je peux être en désaccord avec quelqu’un, cela ne m’autorise pas à prendre un flingue pour dézinguer le moqueur, l’impertinent, celui qui a l’outrecuidance d’avoir des opinions ou un dieu différents des miens.
Dans une telle situation, il est probable que je prendrais d'abord un temps de recul, car l’action irréfléchie est souvent pire que le mal. Et si une envie irrépressible de riposter s’imposait à moi, j’userais alors du mode d’expression qu’il me plairait d'utiliser : dédain, repartie piquante, droit de réponse sérieux, procès si les limites de la liberté d’expression me paraissent franchies (car oui, il y en a)…
Mais le langage des armes ne permet pas de débattre, juste de s’entretuer. Répondre par une tuerie à des dessins humoristiques sarcastiques, c’est totalement disproportionné (et crétin, étant donné que les fameux dessins font à présent le tour du monde entier). Bref, une condamnation à mort pour des dessins satiriques, je ne digère pas.

Ce que dit aussi « Je suis Charlie », c’est que malgré sa décapitation, Charlie n’est pas mort : il survit à l’assassinat de ses défenseurs à travers moi, à travers toutes les personnes qui se sont reconnues dans ce slogan.
Je dirais même plus : Charlie n’est jamais aussi vivant que lorsqu’on prend conscience de sa puissance, et sa portée est désormais soulignée à travers le monde entier, ses couvertures circulent sur Internet et font la une des journaux internationaux ! (j’en connais qui doivent bien se marrer…).

Pour terminer cette tribune, je souhaite saluer le courage de ceux qui osent s’exprimer librement dans des contextes où cela est difficile, voire dangereux, qu'ils soient artistes, journalistes ou simples citoyens, et j’appelle au soutien d’organisations comme Reporters sans frontières ou Amnisty International.

Je rappelle aussi que la presse et l’édition sont des remparts de la libre expression, et j’appelle au soutien des artistes et journalistes engagés ainsi qu’à celui des éditeurs et groupes de presse indépendants. Achetez des journaux, achetez des livres pour exercer votre droit à la libre information et au brassage des idées et soutenir ainsi des structures qui ont souvent du mal à survivre ! Abonnez-vous à Charlie, au Canard enchaîné, au Ravi, ou à ce qu'il vous plaira, du moment qu'on y débat avec des mots, des dessins, et non des armes… !

« Soutenons la liberté de la presse, c’est la base de toutes les autres libertés, c’est par là qu’on s’éclaire mutuellement. »
« Le droit de dire et d’imprimer ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse. »
Voltaire

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